Les différents courants psychanalytiques
En effet, il existe plusieurs courants de psychanalyse. Il est important de souligner le pluriel de psychanalyses.
Depuis les travaux fondateurs de Freud, la psychanalyse a évolué, s’est diversifiée, enrichie de nouvelles approches et sensibilités. Chaque courant garde l’héritage de l’inconscient, du transfert et de l’analyse des conflits psychiques, mais les manières d’interpréter et d’accompagner les patients varient.
La psychanalyse freudienne
C’est la tradition classique fondée par Sigmund Freud. Elle met l’accent sur les conflits inconscients, les pulsions sexuelles et agressives, les mécanismes de défense et l’importance du passé infantile dans la formation de la névrose. Ce courant reste très influent, surtout en Europe. Il a donné naissance à une lecture clinique structurée autour du conflit psychique et des pulsions.
La psychanalyse jungienne
Fondée par Carl Gustav Jung, elle explore davantage les symboles, les archétypes, les mythes, et la dimension spirituelle de l’être. L’inconscient collectif et le processus d’individuation sont au cœur de cette approche, tournée vers le sens et l’évolution intérieure. C’est la psychalyse des “profondeurs” ou psychanalyse de l’individuation. L’influence de Jung est très forte dans les milieux artistiques, thérapeutiques, et les démarches de développement personnel parce qu’il ne limite pas le travail thérapeutique à trouver des moyen de s’adapter à une société (comme c’était l’objectif principal de Freud et du désir de ses patients), mais de se réaliser et de réaliser le Soi (ce qui peut avoir pour conséquence de transformer la société).
La psychanalyse lacanienne
Inspirée de Jacques Lacan, ce courant revisite Freud à travers le prisme du langage et du symbolique. Lacan insiste sur l’inconscient structuré comme un langage, sur le rôle du désir, du manque, et sur la place du sujet dans la parole. Pour lui, l’inconscient est structuré comme un langage, et le sujet est fondamentalement “divisé”. Il réintroduit la rigueur du symbolique, la place du désir, et la fonction du “manque”. Ce courant reste très actif en France, en Amérique latine et dans certaines écoles internationales.
Lacan a influencé des penseurs comme Deleuze et Guattari, qui vont toutefois détourner la psychanalyse vers des zones de création et de désir plus nomades, critiquant la fixation oedipienne et explorant les “machines désirantes”.
Les courants anglo-saxons (Klein, Winnicott, Bion)
- Mélanie Klein explore les premières relations entre le bébé et la mère, avec l’idée d’un inconscient très précoce. Elle explore explore les relations précoces mère-enfant, l’angoisse primitive, les positions schizo-paranoïdes et dépressives.
- Winnicott insiste sur l’importance du lien mère-enfant, du jeu et de l’environnement “suffisamment bon”. Il développe l’importance du jeu, du “holding”, et du “soi vrai” dans la construction psychique.
- Bion s’intéresse aux processus de pensée, aux émotions brutes, et à la capacité de rêverie de l’analyste.
Ces psychanalystes ont influencé profondément la psychothérapie contemporaine, notamment dans l’attention au lien, à la sécurité, à la fonction de contenance.
La psychanalyse existentielle et américaine contemporaine
Aux États-Unis, la psychanalyse s’est enrichie de courants existentiels, relationnels et même spirituels. On y trouve :
- Irvin Yalom, qui lie psychanalyse, philosophie et thérapie existentielle.
- Jessica Benjamin ou Stephen Mitchell, figures du courant relationnel, qui remettent au cœur de la cure la co-construction de la relation patient-thérapeute.
- Des ponts se créent avec la neurobiologie, les sciences de l’attachement et la pleine conscience, notamment dans des approches intégratives.
Des voix philosophiques et poétiques : Deleuze, Nasio, et autres penseurs du dehors
- Gilles Deleuze, avec Guattari, propose une critique de la psychanalyse “familialiste”, et imagine une autre cartographie du désir : fluide, créative, politique.
- Juan-David Nasio, psychanalyste lacanien, rend la psychanalyse lisible pour le grand public tout en gardant la densité du langage de l’inconscient. Il relie psychanalyse, poésie, philosophie et sensibilité clinique.
D’autres encore, comme André Green, Julia Kristeva, ou Catherine Millot, continuent d’explorer les marges sensibles de la subjectivité, dans une psychanalyse parfois littéraire, parfois mystique, parfois critique.
Pourquoi cette diversité ?
Parce que l’être humain est complexe, et que chaque époque, chaque culture, chaque thérapeute met en lumière des aspects différents du psychisme. Certains se centrent sur la sexualité, d’autres sur la relation, d’autres encore sur la symbolique, la créativité ou le langage.
La psychanalyse est une constellation dynamique, faite de conflits, de courants, de dialogues — entre la philosophie, la clinique, l’art, l’inconscient, la société.
Elle ne se réduit pas à une seule école. Elle nous invite à penser autrement, à écouter plus profondément, à relier ce qui est visible et invisible dans l’être humain.
C’est cette pluralité qui fait sa richesse. Et c’est aussi ce qui la rend toujours actuelle.
Cette pluralité permet à la psychanalyse de rester vivante, en dialogue avec le monde, et d’offrir plusieurs portes d’entrée vers la connaissance de soi.
Frédéric Florens